RDV improbable

07/11/2013 03:06

Il veut la voir, Elle s'y refuse dans un premier temps car elle sait, lui explique-t-elle, que cela risque de tout briser. Seulement elle sait aussi qu'elle en meurre d'envie et deux jours plus tard elle le rappelle pour lui dire "OK je suis d'accord pour un RDV". Ils prennent un RDV téléphonique un soir à partir de 18H00 au bureau pour l'organisation de ce RDV : Il veut tout préparer, lui annonçant qu'elle doit lui envoyer 10 dates marquantes depuis 30 ans (sauf ce qui concerne leur rencontre). Il fait de même de son côté et quand il aura reçu ses dates à elle il les entrelacera (c'est joli non comme mot ? ) et cela fera leur trame pour le RDV. Il faut mettre deux initiales à chaque date pour se souvenir à quoi correspond chaque évènement : elle sait dores et déjà que deux intiliales n'y suffiront pas car ils sont à 3 semaines du RDV prévu le 12 octobre ! Elle reprendra donc le fichier définitif avec les 20 dates et y glissera ses commentaires sans qu'il le sache. Elle l'imprimera pour le RDV comme anti-sèche.

Il lui dit qu'il va en parler à sa femme et qu'elle doit en faire de même pour son mari. Non lui dit-elle, et pour une fois, elle va lui parler de son époux: "il n'y survivrait pas, tu ne le connais pas mais c'est un anxieux, il ne comprendrait pas que je souhaite revoir un ex trente ans après ! C'est impossible à lui expliquer mais de ton côté fais ce qu'il te semble bon". Sèchement il lui répond qu'il n'a pas besoin de son approbation ! Il semble choqué et ne pas comprendre. L'avenir lui montrera ho combien elle avait raison !

La première semaine passe sans trop de problème car ils n'arrètent pas d'échanger des mails à propos de ce RDV : la préparation, le lieu, la date. Elle le laisse décider et étonnamment il choisit le même lieu et la même heure qu'il y a 31 ans pour leur premier RDV sur Paris. Bien sûr qu'il ne s'en souvient pas, mais elle qui a retrouvé les détails de leur vie d'antan dans son journal intime de l'époque prend un malin plaisir à le lui rappeler. Il est troublé et quelques jours après lui propose de changer le lieu du RDV. Pas de problème ! Elle sait s'adapter.

Mais que le temps lui semble long jusqu'au RDV. Et puis cette organisation réglée comme du papier à musique commence à la gonfler : pas de place pour la fantaisie, la spontanéité ? Ca ne lui ressemble pas ! Le mardi 08 octobre elle à pris son après-midi pour faire des courses mais il a convenu d'un RDV téléphonique à 13H00. A midi elle décide de partir direction LA DEFENSE. Il y travaille dans une grande tour. Quand il appellera sur son portable à 13H00 elle sera sur place : SURPRISE ! Ou il descend la rejoindre, ou non. Pas grave, elle doit vraiment faire des courses car elle déteste la période d'achat de Noël et elle anticipe toujours pour éviter les mouvements de foule. Elle est un peu agoraphobe et refuse cette société de consommation qui pousse aux achats inutiles : s'y prendre longtemps à l'avance c'est l'assurance d'avoir pris son temps pour choisir chaque achat et pour elle c'est important. Pas d'achat à la dernière minute, parce que c'est urgent et qu'on n'a plus le temps : mon dieu que c'est antinomique avec sa conception de la fête de Noël !

Quand il l'appelle, elle est encore dans le RER à 3 mn de la DEFENSE. Elle lui explique qu'elle arrive :

"NON, mais t'es folle !" lui dit-il.

"Fais comme tu veux : tu descends ou pas mais moi je suis là dans 5 mn. Dis-moi où l'on se rejoint : l'éléphant rouge ça te va ? " lui demande-t-elle.

Il ne sait pas de quoi elle parle.

"Mais si l'affeuse sculpture rouge abstraite côté CNIT qui d'après moi ressemble à un éléphant et ne me demande pas pourquoi !" lui explique-t-elle

"Oui je vois, c'est juste à côté !  Parfait, je descends"

Elle n'en fini pas de poireauter scrutant les visages des hommes qui passent à côté d'elle. La plupart d'entre eux sont plutôt de jeunes cadres dynamiques. C'est qu'ils commencent à se faire vieux avec leur bientôt 100 ans à eux deux ! Bien qu'étant "immarcescibles" (c'est elle qui a trouvé un jour ce mot et a tout de suite pensé à François, lui qui se vantait de n'avoir pas changé, pas pris une ride ! ), saura-t-elle le reconnaître ? Et lui qui a été incapable de la reconnaître dans la photo de classe qu'elle lui a envoyé !  Elle se souvient de leur conversation téléphonique à ce sujet : alors qu'elle se délectait de son hésitation et ce, malgré tous les indices dont il disposait,  il avait été dans l'incapacité totale de la retrouver. Au fond du gouffre le François ! Pour finalement apprendre que la rangée qu'il avait éliminée d'office tellement les têtes de pignoufs l'inspiraient, était bien celle où elle se trouvait ! Comme elle avait rit ce soir-là et avait jubilé de son désarroi !

Et puis un grand homme élancé, maigre même, s'avance : ils se regardent, comprennent, se reconnaissent et se sourient. Une ou deux bises, un moment de gène et puis prendre une décision : où va-t-on ? Il fait beau , ils trouvent un banc un peu en contre-bas, face à l'arc de triomphe, lieu de leur 1er RDV il y a 31 ans. Et les voilà entre les deux arches pour ce second 'premier RDV' : Celle de LA DEFENSE dans leur dos, et celle de la place de l'étoile devant leurs yeux. Ils se regardent et se racontent. Ca vient naturellement, des petites choses, des rires qui fusent , des plaisanteries. C'est léger comme le temps : quelques nuages et du soleil. Elle lui fait remarquer qu'ils ont de la chance et que normalement samedi prochain pour leur RDV ils risquent d'avoir de la pluie ! "On ira dans un café !" lui répond-il. "Oui mais il y aura sûrement des dégâts collatéraux si tu vois ce que je veux dire et pas sûre qu'un endroit public soit approprié" rétorque-t-elle. "On avisera" conclut-il.

Le temps passe trop vite : il doit y retourner. Elle voudrait le retenir encore un peu mais la perspective de le revoir dans quelques jours la calme. Elle le laisse partir mais perçoit de son côté à lui une légère hésitation juste avant de tourner le dos. Elle le laisse s'éloigner mais garde en elle ce moment d'hésitation : que voulait-il lui dire ?