Interlude2

30/10/2013 20:34

INTERLUDE 2 : STRIPTEASE

Deux mois qu’elle chate avec lui sur le net. Tous les soirs c’est le même rituel : avaler en vitesse un repas sur le pouce ou se munir d’un paquet de CHIPS, de gâteaux secs, de bonbons et d’une cannette de soda et rejoindre sa chambre avec son PC portable. L’urgence de la connexion, saisie  de son pseudo et mot de passe et c’est parti : « T’es là ? ».

 

A force de le côtoyer avec une moyenne de 3 heures de connexion par jour et des pointes jusqu’à 5H30, elle finit par se rendre compte de son addiction. Inutile de prévoir autre chose un soir, rien à faire, elle trouvera toujours un prétexte pour rejoindre à l’heure prévue son chevalier du net. Elle aime sa ponctualité. Petit à petit elle s’isole dans sa bulle, se coupant de ses réseaux sociaux habituels en refusant de sortir, de participer aux activités nocturnes : plus de restau, plus de soirées du vendredi au dimanche soir, plus de ciné, plus de sortie en boite : Aucune exception à la règle depuis 2 mois ! Elle ne se reconnait plus…

Dès leur première joute elle avait accroché : son style épuré, sarcastique, narquois parfois l’avait d’abord étonnée. Et au fil des échanges elle s’était rendue compte que ce style cachait une grande sensibilité. Ca  l’avait alors touché et finalement elle était devenue fan et accro de ces moments de rapprochement.  Comment pouvait –elle être aussi addict à cette liaison alors que ces échanges n’avaient aucune profondeur : il ne cherchait jamais à parler de sujets sérieux bien au contraire. La superficialité de leurs échanges leur garantissait une qualité d’écriture pour arriver à rendre passionnant leur jeu épistolaire qu’ils avaient nommé d’un commun accord une relation e-épistolaire.

Deux mois passionnants, enrichissants, attendant l’heure fatidique de la connexion avec impatience et fébrilité. Deux mois à échafauder mille hypothèses quand à son physique, sa vie au quotidien, ses habitudes : qui était-il réellement, à quoi ressemblait-il ? Très vite l’envie de le rencontrer s’était imposée et avait fait son chemin au point de phagocyter totalement son esprit. Elle ne pensait plus qu’à cela mais elle n’osait pas le lui proposer puisque lui non plus ne le lui demandait pas. Pour être à la hauteur de la qualité de leur relation, elle se devait de faire sa demande de façon originale.

Suite à un de leurs échanges nocturne il lui avait confié combien il adorait l’émission « STRIPTEASE » qui passait sur France 3 dans les années 90. Son côté « voyeuriste » était alors pleinement satisfait lorsqu’il suivait cette émission. Et ne voilà-t-il pas qu’une idée avait germée en elle à partir de ce simple aveu : pourquoi ne pas lui déclarer sa flamme sous la forme du récit d’un striptease. Une fois que l’idée eût fait son chemin, un soir elle fini par lui écrire la fameuse déclaration sous forme du mail suivant :

Tranche de ma vie pour toi qui aime tant l'émission Striptease, je m'effeuille un peu et me livre également à un nouvel exercice de style jusqu'alors inconnu de la littérature : l'art du striptease ! Comme je ne porte pas grand chose sur moi au saut du lit, ca devrait être rapide (là je te sens, comment dire, un peu émoustillé non ?).

J'enlève la robe de chambre, et là, tu dois jouer le jeu et ne pas te dire 'oh mon Dieu elle va avoir froid la pauvre' : on s'en fou si j'attrape un rhume virtuel ! Concentre-toi donc un peu.
Pour avoir retiré cette première couche je te livre la description de ma matinée d'hier : levée à l'aube, j'ai fait un feu dans la cheminée, je t'ai envoyé un mail, j'ai écrit une nouvelle à chute que je t'ai envoyé dans un second mail. Là je me suis recouchée dans le canapé du salon pour profiter de mon feu et pour gagner 2H de sommeil en sus. Au moment où mon réveil à sonné, j’étais sur internet (en parallèle j'avais ouvert le fichier excel avec mes questions pour notre RDV). Ma fille ainée s'est  levée à 6H30 cause Lycée. On a discuté dans la cuisine (je garde pour moi les sujets parfois 'intimes' que nous abordons dès le matin, d'abord parce que j'ai ma pudeur (oh arrête de pouffer, tu vas finir par me vexer à la fin !), et ensuite parce que je ne voudrais pas choquer ta légendaire réserve sur des sujets trop hard ! Le roi de l'amour platonique, c'est tout de même toi !.
Monsieur s'est ensuite préparé pour partir au boulot alors que moi, je me suis permise de traîner en robe de chambre pendant au moins 15 minutes avant de m'habiller moi aussi pour sortir mon chien. Ma cadette a mis un pied par terre à 7H15. Elle m'a annoncé qu'elle ne déjeunerait pas avec nous car elle allait au centre commercial de Cergy avec ses copines sans oublier de me taxer 60 € au passage !  J'ai lancé une lessive, préparer mes 2 sacs de piscine (un pour l'après-midi et un pour le lendemain soir pour le  RDV avec mon collègue William pour une partie de swiming pool,). J'ai été chercher du bois au sous-sol ayant bien l'intention par cette merveilleuse journée chômée et pluvieuse, de profiter toute la journée de mon feu. Je l'ai donc ranimé à la surprise de tous les membres de cette famille, y compris les animaux, qui se sont demandés qu'elle mouche me piquait de faire un feu de si bon matin !  Et de le prendre en photo avec mon nouveau joujou (mais si je t'en ai parlé, la tablette !). Au départ des filles, je suis retournée à l'ordi envoyer un mail à Laurent avec la nouvelle à chute pour avoir son avis que j'attends encore ! Ha vous faites la paire tous les 2 : pas un pour relever l'autre ! Rien à foutre de mes écrits ! Passons ... J'ai continué à réfléchir aux questions que je devrais te poser mettant à jour le fichier excel. Vers 10H00 je suis allée faire des courses : une envie irrépressible de faire des gâteaux m'a prise et il  me manquait certains ingrédients. Je suis également passée à la pharmacie pour le renouvellement d'une ordonnance (les joies de l'acné juvénile !) et j'ai demandé s'il existait un truc naturel autre que Euphythose pour essayer de régler mes insomnies :  je me suis fait taxée de 17 € pour un spray buccale à base de millepertuis et autres plantes au pouvoir soporifique. Enfin soi-disant parce que 3 heures de sommeil c'est pas encore gagné !
Une fois les courses terminées j'ai préparé 2 gâteaux, vérifié que nous pouvions nous contenter des restes mon ainée et moi pour le déjeuner, étendu ma lessive et ma fille ainée est rentrée vers 13H00. Fin de la robe de chambre.
 

Passons maintenant aux choses sérieuses : je retire le haut ? Là j'avoue qu'il faut que tu fasses preuve d'imagination parce que nous sommes tout de même le 10 octobre, qu'il doit faire allez 6° dehors et que le chauffage est réglé la nuit à 18°. A poil dans ses conditions personne n'y croit ! Donc j'ai forcément monté le chauffage, voyons !  Et là-haut sous la couette c'est sauna pour mes 2 ronfleurs ! 
Pour avoir retiré le haut du pyjama sexy, n'en doute pas une seconde, je te raconte la seconde partie de ma journée : Je  déjeune avec ma fille ainée, on débarrasse, je monte me coucher pas plus d'une demi-heure car à 14H30 précise je dois être à la piscine puisque  j'ai dentiste à 16H30. Je dors finalement 20 minutes avec un réveil spontané : improbable cette histoire, ce n'est plus un cerveau que j'ai mais un réveil matin ! Je nage une heure et après la douche je constate avec effroi que je n'ai pas de serviette : j'ai tout mis dans le second sac ! celui pour le lendemain soir ! je vais à la caisse toute dégoulinante pour leur demander de m'en prêter une. Ouf sauvée ! Je rentre à la maison, ma fille cadette  n'est toujours pas rentrée et il est 16H20 ! Elle abuse ! Je l'appelle, tombe sur sa messagerie et laisse un message court mais efficace. Pas le temps de m'attarder, je dois être à 16H30 chez la dentiste. Je m'y rends (heureusement que mon bled c'est tout petit ce qui fait que l'on met toujours 5 mn pour faire un truc). Je m'endors dans la salle d'attente puis sur le fauteuil de dentiste. Si si je suis crevée. Je rentre et je pense : 'je vais me coucher' sauf que je secoue les puces à ma cadette pour qu'elle se prépare pour aller à la piscine, que ma fille ainée a besoin de mes services pour signer des papiers pour le lycée, que mon chien danse la carmagnole pour que je m'occupe de lui, que mes deux chattes miaulent à fendre l'âme pour avoir leur pitance du soir. Et avec tout ça, mon feu qui est à 2 doigts de s'éteindre. Je jette un œil sur ma messagerie et découvre ton mail auquel je m'empresse de répondre. 18H45 : J'ai le diner à préparer et c'est déjà la fin du haut.

Reste le bas : un shorty rose et blanc mais lui je ne l'enlève pas parce que ce qui a suivi est tout de même du domaine privatif et que je vais essayer de récupérer encore 2H de sommeil.

Effeuillement votre.

 

X

 

Elle pense qu’avec un tel mail s’il ne lui propose un RDV, c’est que vraiment il n’y a plus rien à espérer de lui !

Au moment d’appuyer sur le bouton d’envoi du message, une pop up s’ouvre sur son PC ‘Le système ne répond plus, relancez votre poste ! ‘. Deux heures qu’elle peaufine son mail et voilà que la technologie la lâche : non seulement elle est furieuse mais en plus, de l’autre côté de la rue, son chevalier du net s’impatience : « Alors tu réponds ? Mais qu’est-ce que tu branles ? ». Fatima , 25 ans , après deux années de petits boulots sans avenir, a trouvé ce job qui lui permet de subvenir à ses besoins : payer le loyer de son minuscule studio, les frais fixes et la nourriture. Pas de quoi faire des folies mais c’est mieux que rien. Et depuis qu’elle s’est trouvé ce pseudo de ‘chevalier du net’, une partie de sa clientèle s’est fidélisée et du coup les fins de mois sont devenues plus faciles. Mais que se passe-t-il ? Pourquoi Eloïse77_8956 s’est déconnectée. Merde c’est 100 euros de perdu au bas mot !