Erreur fatale

12/11/2013 04:21

Jour J-1 : 11 octobre 2013, 6H30

Son mari livide, décomposé, lui tend une page dactylographiée : le dernier mail qu'elle a envoyé à François ! "L'enfoiré" pense-t-elle," il a craqué le mot de passe de ma boite e-mail !". Elle est furieuse et si triste à la fois. Mais l'urgence c'est de calmer son époux. Elle ravale sa rage et essaye de lui expliquer mais les questions fusent : "C'est qui ce mec ?"

"Tu me prends vraiment pour un con ?" 

'Ha c'est facile de me dire que tu cherchais à me protéger en me cachant cette relation !"

Il salit tout, ne comprend rien ! Sans François elle serait encore au fond du gouffre, peut-être déjà partie. Et la réaction démeusurée de son mari, lui prouve Oh combien elle avait raison de vouloir lui cacher cette relation e-épistolaire. 

 

Il part travailler, brisé.

Elle se prépare à aller travailler, salie.

Belle journée en perspective !

11 octobre 2013, 11:00

Elle envoie ce mail à son mari, copie François :

Mon cher et inquiet Thierry,

Que dire pour soulager tes angoisses, taire ta tendance à la dramaturgie et
au scénarii catastrophe ! Je mets volontairement François en copie de ce
mail pour que tu comprennes que je peux tout lui dire y compris que je
t'aime et que je l'aime. Vous deux différemment :
Toi depuis 20 ans tu partages mon quotidien, je supporte tes angoisses, je
mets parfois mon mouchoir dessus et souvent j'explose : je n'en peux plus
d'avoir à gérer tes propres blessures existentielles, j'ai moi aussi les
miennes à gérer, et crois-moi ces derniers temps, elles sont pléthore !
J'ai retrouvé cet été après nos vacances les lettres de Chantal, Eléonore,
Patience, Béatrice ma cousine et celles de François. L'émotion qui s'est
dégagée de ces lectures m'a bouleversée, renvoyée à ma propre jeunesse et
mes blessures d'antan non encore cicatrisées apparemment. 30 ans me
séparent de François. Qu'est-il devenu, comment le retrouver ? se
souviendra-t-il de moi ? Voudra-t-il me rencontrer ?  Qu'aurons-nous à nous
dire ?
Au même moment, notre couple traverse une crise comme jamais. Nous
n'arrivons plus à communiquer autrement qu'en se hurlant dessus ou en
s'agressant. Je vais mal, tu m'ignores. Laurent m'écoute et me prête un
livre sur la solitude dans le couple : C'est tellement ce que je ressens,
ce que je suis en train de vivre !  J'ai envie de hurler, j'ai besoin de
parler. Il y aura rapidement la rencontre salvatrice avec Chantal, seconde
pierre à l'édifice de la reconstruction. Puis je retrouve François et il me
rappelle. Depuis 5 semaines nous correspondons par mail et par téléphone.
Lui, d'abord petit flashback : il était dans ma vie bien avant toi, en juin
1982. Le premier amour de ma vie, tu ne peux pas lutter contre cela,
désolée. Le personnage est haut en couleur qui plus est : brillantissime,
drôle, caustique, un tantinet prétencieux mais si gentil. Et ses yeux ! Que
dire : une évidence entre nous c'est tout, c'est très simple. Il me
quittera 6 mois après me laissant exangue, vidée, humiliée par cet échec :
pourquoi n'ai-je pas su le garder, c'est qui cette fille dont il me vante
les vertus de l'amour platonique ?
30 ans après je redécouvre ses lettres d'amour écrites durant l'été 82 car
nous avons été séparés juste après notre rencontre. Elles sont si jolies,
amusantes, originales, émouvantes que j'en veux encore.  Et c'est à cause
de tout cela de toi, de lui avant, de moi et mes angoisses existencielles à
l'aube de ma cinquantaine que je le cherche, le trouve et que par bonheur,
il n'a pas changé, définitivement immarcescible (private joke avec
François). Je l'ai revu pour la 1ère fois mardi dernier à la Défense. Ce
n'était pas prévu, c'est moi qui ai pris les devants. On a échangé nos
souvenirs durant environ une heure puis chacun a repris le cours de sa vie.
Mais c'était si court, trop court. Alors Oui je vais aller au RDV fixé
demain au parc MONCEAU : d'abord j'en ai besoin, ensuite, j'en ai envie et
finalement comme je ne fais rien de mal, bien au contraire, je n'ai aucune
raison d'y surseoir. Si je vais mieux depuis 5 semaines, si notre couple
s'est ressoudé, si nous nous sommes retrouvés c'est grâce à tous ces
échanges avec François, Chantal et Laurent. Tu sais que je recherche
Patience également, toujours dans le même but : me nourrir des gens que
j'aime, que j'admire, que j'apprécie. Tu es jaloux ? tant pis pour toi.
Est-ce que Elisa est jalouse de sa soeur parce que j'aime également Anaïs ?
J'ai une théorie sur l'amour : il défit toutes les lois de la récipriocité
en mathématique : il se multiplie mais est indivisible, ce qui veut dire
que l'amour que l'on donne à quelqu'un ne retire en rien la part d'amour
que porte aux autres. Je pense également qu'il y a autant d'amours que de
personnes, d'animaux, de lieux splendides, de chefs d'oeuvre (tableaux,
sculptures, cinéma, photo, musiques ...) sur cette terre. Quand on comprend
cela, la jalousie n'a plus sa place !
Finalement tu as peur de me perdre, mais tu m'avais perdu souviens-toi et
c'est grâce à eux que tu m'as retrouvé ! C'est tout de même un comble que
tu m'en veuilles d'avoir essayer de trouver une solution : comprend bien
que j'étouffais, que j'étais à deux doigts de l'implosion et que sans ces
bulles d'oxygène qu'ont été ces rencontres et ses échanges, je serais
peut-être déjà partie. Tu parles de manque de confiance, que je t'ai trahi
en te cachant ma relation avec François : mais il te le confirmera lui-même
peut-être un jour, si nous nous voyons, lui qui voulait que je t'en parle,
je lui avais expliqué combien tu avais une nature inquiète et que t'en
parler c'était le pire des choses à faire. Et puis oui, je l'avoue, je
voulais le garder pour moi, ne pas avoir à répondre à tes questions, ne pas
être jugée. Un bout de jardin secret, jalousement gardé et pourtant si mal
gardé puisque tu as réussi l'impensable et l'impardonnable : craquer le mot
de passe de ma messagerie ! Moi qui n'oserai jamais écouter aux portes,
regarder par le trou d'une serrure ou fliquer les sms de mes filles,
comment as-tu pu faire cela ? Au nom de quoi ? qu'avais-tu en tête en
essayant diverses combinaisons ? Qu'elle mouche t'a piqué ?
Finalement je m'en fiche ! Débrouille-toi pour une fois avec ta propension
au malheur ! Vas voir un psy, une sophrologue ou un bon copain. Trouve-toi
une maîtresse s'il le faut ! Mais laisse-moi respirer, je refuse que tu
m'étouffes à nouveau sous le poids de la cupabilité. Et puis choisi ton
camp : Avec moi mais serein, sans moi flippé !

En larmes, révoltée mais soulagée je vous laisse tous les deux et vous
assure de toute mon affection. Et il n'y a pas de partage possible !


Sans qu'elle le sache, François contactera son mari pour un RDV téléphonique le soir avec son époux alors qu'elle-même tentera d'apaiser son époux du mieux qu'elle pourra via des échanges d'e-mail, une proposition d'aller manger en tête au restaurant le soir-même pour s'expliquer. Au fil de la journée, les esprits se calment et tout semble aller un peu mieux. Mais quand elle rentre le soir à 19H00 après une réunion parents/professeurs au collège, elle trouve son mari au téléphone mais elle ignore alors qu'il parle à François. Elle le laisse, vaque à ses occupations, trouve le temps long : il est 20H00 quand ils raccrochent ! Et là son mari lui explique : c'était François ! Elle n'en croit pas ses oreilles ! Mais qu'ont-ils pu se dire durant une heure ?